jeudi 13 avril 2017

Les grandes questions « oubliées » ou « mal-traitées » ...


Le troisième et dernier temps d'une campagne à surprises 

Le point au 9 avril 2017. Note 35 à J-11
par Jean-Pierre Dacheux

Nous voulons continuer d'analyser l'évolution de la situation politique pendant la campagne électorale ouverte, en réalité, depuis la fin 2016. Chaque texte, daté, numéroté et modifiable, s'ajoute aux précédents présentés et, depuis le 20 mars, sous le titre : « Le troisième et dernier temps d'une campagne à surprises » Chacun de ces textes peut être contredit, sans doute, parfois, par les événements. Fin mai 2017, nous regrouperons, en un seul et même document, toutes ces notes, que nous voudrions utiles pour effectuer cette activité politique chronologique.


Nous sommes entrés, depuis lundi passé, dans la campagne dite « officielle ». Cela signifie surtout que les onze candidats disposeront, durant les deux dernières semaines, d'une égalité de temps de parole et d'image, dans les médias. C'est formel et, disons le, passablement hypocrite. C'est depuis la désignation des candidats par le Conseil constitutionnel que ce beau principe devait être mis à exécution. Il y aura eu, bel et bien, des grands et des petits candidats, inégaux en moyens et en soutiens ...
Des questions politiques fondamentales auront aussi été inégalement traitées par les candidats. Souvent, elles les gênent par crainte du désaveu des électeurs. On les évite donc ou on les survole (quand on ne les maltraite pas!). François Mitterrand n'avait pas agi ainsi, en 1981, pour la peine de mort. Parmi les questions maltraitées ou « mal-traitées », il en est au moins quatre qui méritaient un tout autre sort :
• dans quelle Europe politique va vivre la France au cours des prochaines décennies ?
• la France peut-elle encore se payer une force de frappe qui ne la protège plus ?
• La France peut-elle continuer à n'accueillir qu'un nombre minimal de réfugiés ?
La France peut-elle ne pas lutter plus contre la dévastation écologique de la planète ?


1 - La majorité des candidats rejettent, en tout ou partie, l'Union européenne.
Soyons clairs : l'appel au Frexit ne sera pas entendu. Le retour au franc est impossible. Cependant, la non prise en compte du vote des Français, en 2005, lors du referendum sur les institutions européennes, a fait reculer, dans l'opinion, bien plus que l'idée européenne : la confiance en la démocratie elle-même. Les élections européennes sont désertées. L'Europe est surtout un marché, cogéré par les dirigeants des États-nations qui pratiquent une quadrature du cercle politique intenable : partager et conserver un pouvoir qui n'est ni national ni fédéral. Il n'est pas étonnant, dans ces conditions, qu'une logique nationaliste progresse et que seule domine l'Europe du capital, laquelle déborde les limite des États ou subvertit les centres de décisions grâce au système des lobbies, très efficaces à Bruxelles comme à Strasbourg.
Refonder l'Europe donc, devient une question de vie ou de mort pour l'Union européenne car, tant que les peuples ne pourront pas s'approprier pas l'idéal européen, l'Union n'aura aucun avenir, s'étiolera ou finira par se se dissoudre. Nous reviendrions, alors, à la situation antérieure génératrice de guerres. « Le nationalisme, c'est la guerre » : tel fut le message ultime de François Mitterrand dans son dernier discours de président, à Berlin, alors que, cerné par la mort, il tenait à peine debout. Le rejet des tentations nationalistes (en Autriche, aux Pays-Bas, espérons-le en France, cette année, ne suffira pas). Les questions qui nous poignent débordent nos frontières et pas seulement les désordres climatiques ou les entrées de réfugiés économiques, climatiques ou politiques, mais aussi le recours à des armements de plus en plus sophistiqués et violents qui sont utilisés à nos portes au Moyen-Orient ou en Ukraine, sans oublier la menace des menaces, la menace nucléaire. L'Europe a de quoi se re-constituer. C'est l'une des urgences principales. Les candidats (et pas seulement ceux qui critiquent sans proposer) ont trop peu ouvert de voies de recherche et de travail sur le sujet !


2 – L'arme atomique n'est plus (a-t-elle jamais été ?) le meilleur des moyens de défense ?
Les candidats abordent, presque tous, cette question en prenant des pincettes et en se bouchant le nez. S'il y a eu consensus, dans l'opinion publique, jusqu'ici, c'était pour dire que la dissuasion nucléaire nous protègeait. Cette conviction recule et reculera plus encore quand les arguments seront examinés au niveau planétaire et même européen. Pourquoi ne dit-on pas que le 23 décembre 2016, l'Assemblée Générale de l'ONU a adopté, par 113 voix pour, 35 contre, et 13 abstentions, la résolution L.41 convoquant, en 2017, (du 27 au 31 mars, puis du 15 juin au 7 juillet) «une conférence chargée de négocier un instrument juridiquement contraignant d'interdiction des armes nucléaires conduisant à leur élimination totale » ?Alors que se déroulait la campagne électorale, en France, les travaux de cette conférence se sont donc engagés, le 27 mars dernier, sans qu'on les évoque ! Ils reprendront, le 15 juin, peu après l'élection du nouveau président de la République française. Comment est-il possible que nous connaissions si mal les intentions du futur Chef des Armées ?


3 – Ne nous bouchons pas les yeux : il y aura de plus en plus de réfugiés en Europe
Les « entrants » (qu'on a tort d'appeler migrants, qui sont des réfugiés mais aussi des exilés contraints) fuient vers les pays riches et paisibles, dont nous sommes. Ils ne font pas du tourisme ! Ils risquent leur vie et parfois la perdent (notamment en Méditerranée) quand ils cherchent accueil et asile pour éviter la guerre, la famine ou la torture. Les survivants qui se présentent aux portes de l'Europe, en Grèce et en Italie, sont souvent refoulés quand ils franchissent les frontières des États limitrophes, sans que joue la solidarité entre les États de l'Union européenne. Ce repli sur nos propres sols nous condamne car nous trahissons les droits de l'homme dont nous réclamons ainsi que les traités internationaux, notamment la Convention de Genève sur les réfugiés qui s'impose à tous depuis des décennies.
L'Allemagne et plusieurs pays scandinaves exceptés, les États de l'Union européenne limitent, interdisent ou font physiquement obstacle à la venue de ces populations dans la détresse. L'argument selon lequel il s'agit d'intrusions musulmanes auxquels se mêleraient des assassins islamistes ne résiste pas à l'examen ou alors, c'est généraliser de très rares exceptions ! Au reste tous les réfugiés ne sont pas musulmans.
La France est loin d'être exemplaire en matière d'accueil, et les candidats n'abordent guère le sujet hormis, peut-être, récemment, Jean-Luc Mélenchon à Marseille. Plus généralement, c'est de la définition d'une politique non ambiguë dont nous manquons et comme le phénomène n'est pas près de prendre fin, n'en pas parler, ou si peu, c'est fermer les yeux sur notre avenir. L'incendie du centre d'accueil de Grande-Synthe, survenu ce jour, là où une municipalité s'efforçait de faire face à ses responsabilités, est là pour nous rappeler, s'il le fallait, la permanence de situations tragiques qui ne disparaitront pas toutes seules en s'en tenant à la force ou aux discours. Il importe de proposer des solutions positives en s'appuyant sur des réussites locales qui en témoignent.


4 - Les bouleversements climatiques sont aussi dus à nos activités économiques irresponsables
Les négationnistes climatiques fussent-ils à la tête de la plus grande puissance économique au monde, les USA, ont perdu la partie. Le débat scientifique, après quelques soubresauts, a été tranché : une économie trop carbonée entraîne un réchauffement climatique très dangereux pour les générations à venir et, d'ores et déjà, pour nous-mêmes.
Il n'est que deux candidats qui en tiennent compte réellement : Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon. L'appel des solidarités lancé le 23 mars dernier par 80 associations (aujourd'hui 130), sous l'impulsion de Nicolas Hulot, alerte aussi les électeurs : sans une solidarité écologique planétaire, nous courons, élections ou pas, vers un désastre mettant en péril nos civilisations, voire l'espèce humaine tout entière. À côté de cette évidence, aucune politique particulière, limitée à un espace national ne peut résister.
Et là, il faut, comme disait Michel Rocard, « parler vrai » : le système économique dominant depuis fort longtemps, s'est lui-même mis en contradiction : produire plus ne génère pas plus de profit utile mais beaucoup plus d'inégalités et de confiscation des ressources au détriment de la majorité des populations. Ce qui est intenable et ne peut qu'engendrer les conflits les plus meurtriers.

Profiter du débat politique inhérent à toute campagne électorale est indispensable mais à condition de ne pas s'en tenir à un rôle de citoyen-spectateur. Comme on le voit aux USA, des citoyens-acteurs peuvent peser sur les décisions des élus les plus fermés et brutaux. Nous ne savons ce que notre propre avenir nous réserve. Se placer dans une posture de résistance ou de coopération à la transormation commence dès à présent.

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