Il y a migrants et migrants. Les
personnes à qui l'on donne ce nom, actuellement, sont celles, de
plus en plus nombreuses, qui fuient leur pays, par sécurité, pour
des raisons urgentes d'ordre politique, économique ou climatique. Il
est, en effet, différentes formes de migration : pour
s'éloigner d'un danger, pour échapper à la grande misère, à
cause de la faim ou de la soif, etc...
Ainsi, les familles ou les
célibataires, voire les enfants, qui tentent de traverser la
Méditerranée, pour rejoindre l'Europe, sont-ils, sans plus
chercher, appelés des « migrants » !
Les migrations transcontinentales
ont peu à voir avec les mouvements de population qui concernent des
zones géographiques restreintes, comme c'est le cas au sein de
l'Europe. Elles brassent les humains sur toute la planète. Elles
peuvent bien être combattues par les nationalismes de toutes sortes,
racistes ou sectaires, elles sont irréversibles, incompressibles et
inéluctables.
L'ampleur actuelle des « flux
migratoires », et ce n'est qu'un début, amène à poser
différemment la question des déplacements à la surface de la
planète.
Cette inévitable et nouvelle
approche, permet d'évoquer, avec un esprit plus critique, la
désignation des Rroms d'Europe comme des « Rroms migrants ».
On confond souvent nomadisme et
migration. Mais les Rroms ne sont ni nomades ni migrants.
Était nomade, et l'est encore,
celui ou celle qui cherche un pâturage pour son troupeau.
Est nomade aussi, par extension,
quiconque cherche de nouveaux espaces où vivre, sans tenir compte
des cadres frontaliers existants.
Il est donc un nomadisme physique,
celui des groupes humains en quête, depuis de nombreux siècles, de
lieux de vie durables. Mais il est un autre nomadisme, plus complexe
à saisir, plus culturel, et concernant tous les êtres humains qui
se pensent Terriens d'abord et qui, en esprit autant que par leur
corps -même s'ils ne « bougent » pas ou peu-, ne
s'enferment en aucun territoire. Non seulement ils n'en privilégient
aucun, mais aussi, ils n'en renient aucun. Ces nomades-là sont, en
quelque sorte, des citoyens du monde qui se pensent comme « êtres
au monde » et non comme « parcoureurs du monde ».
Le migrant, au XXIe siècle, n'est
pas un nomade parce que, s'il se rend d'une aire de vie à une autre,
c'est, le plus souvent, contre son gré, parce qu'il ne peut faire
autrement pour sa sécurité physique ou pour s'assurer des revenus
lui permettant de survivre.
Depuis l'aube des temps humains, l'espace terrestre a été occupé par des ancêtres, partis d'Afrique, pour se trouver des lieux où vivre.
Depuis l'aube des temps humains, l'espace terrestre a été occupé par des ancêtres, partis d'Afrique, pour se trouver des lieux où vivre.
Le migrant qui est parvenu à
s'installer devient un immigré. L'immigré est donc un « implanté »,
quelqu'un venu d'ailleurs, par lui-même ou avec sa famille, depuis
peu de temps ou depuis longtemps, qui s'incarnera, tôt ou tard dans
son nouveau pays. La généalogie nous révèle que nous sommes
presque tous issus de migrants-immigrés ayant des origines
étrangères.
Mieux habiter la Terre est notre
pré-occupation d'êtres humains, notre premier souci. Partager le
sol où vivre est au cœur de la condition humaine, mais sans
hospitalité, c'est impossible. Cela implique, en effet, de se
déplacer, puis de stationner, de trouver accueil, de se vêtir, de
se nourrir, de se mettre à l'abri (du froid, du vent, du soleil, de
la pluie, de la foudre, du feu, et des concurrents agressifs, hommes
ou bêtes). Depuis l'aube des temps humains, l'espace terrestre a été occupé par des
ancêtres, partis d'Afrique, pour se trouver des lieux où vivre.
Loin de nous sont les nomades qui,
dans la plus haute l'antiquité, ont franchi, à pied, des espaces
considérables, occupé des territoires nouveaux et ont inventé des
modes de vie adaptés à des environnements très précaires.
Très près de nous, au contraire,
sont les nomades que nous sommes tous amenés à devenir, sur une
planète de plus en plus limitée où les possibilités de transport
ont totalement transformé les déplacements. Si la nécessité fait
de nous des migrants, le plus souvent pour « se sauver »,
ce n'est pas par instinct ou par tradition. La sédentarité n'est
pas un acquis. Depuis des dizaines de milliers d'années, les hommes
voyagent pour découvrir des espaces où trouver accueil, paix et
sécurité.
Les humains sont tous des
voyageurs. Nous sommes tous, à cet égard, des migrants.
Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran
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