lundi 3 septembre 2012

Il n'est plus ni droite ni gauche

Où est passé le socialisme ? Il est passé... dans le passé ! Un socialisme qui ne compte ni sur la révolution ni sur l'évolution pour mettre fin à la domination de l'argent, au capitalisme-roi, s'est renié lui-même.

Parti ultra dominant, le PS assume, seul, à présent, la politique qu'imposent les marchés. Il a substitué à la gauche une droite soft, c'est-à-dire qu'il s'en tient à une ambition limitée : empêcher le système économico-financier de commettre trop d'excès.

Le bipartisme désormais installé en France, tout comme aux USA, écarte toute alternative politique comme non sérieuse, non crédible, irresponsable et utopique. Quand on constate que les électeurs étatsuniens vont avoir le choix entre un Bush-bis, peut-être plus rigide encore avec Mitt Romney, et un président sortant qui n'a pu que limiter les dégâts, on doit bien se dire que l'on glisse vers des politiques de plus en plus désespérantes, vers de fausses démocraties.

Plusieurs questions se posent alors avant que n'explose, on ne sait quand, une situation intenable : 
• pourquoi cette déviance qui a conduit un parti politique à n'être plus rien de ce qu'il fut ?
• pourquoi continuons-nous d'employer des mots (droite-gauche) qui ne recouvrent plus le sens qu'ils avaient quand ils furent créés ?
• pourquoi ce qui semblait impossible à avouer, voici trente ans à peine, ( être "de droite") s'affiche-t-il sans vergogne, y compris dans les milieux populaires ?
• pourquoi les victimes du système qui les écrase ne se révoltent-elles plus ?

Il n'est, pour nous, rien de plus urgent que de faire des diagnostics pertinents.


Le plus simple consiste à dire que le culte de la croissance, le choix du nucléaire,  le maintien des cumuls de mandats, le démantèlement des bidonvilles de Roms avant toute solution (pour ne parler que de ce qui est le plus flagrant actuellement) appartiennent à des politiques de la droite la plus éculée. Nous n'avons rien de commun avec ces choix au demeurant mortels, à terme, pour le présent Gouvernement français.

Le plus difficile à exprimer aboutit à reconnaître que des vocables inadéquats trompent l'opinion : il n'est plus, quoi qu'on en pense, ni droite ni gauche en exercice, en Europe. Les opposants qui se réclament encore de la gauche se réfèrent à un passé qui ne renaitra pas. Si courageux et sympathiques soient-ils, ils sont devenus obsolètes.

Le plus créatif se loge dans les recherches visant à dépasser ce passé, sans tolérance aucune à l'égard des idées de domination, de privilège, d'exploitation, d'accumulation de profits, mais en remplaçant la révolution physique par la subversion culturelle. Quelle que soit la façon de le dire, un "autre monde", une "autre vie", une "autre société" sont non seulement possibles mais nécessaires.

Le plus dynamique et porteur d'espoirs tient à ce que, sur une planète très peuplée tout se sait, tout peut être communiqué, tout se contrôle et vérifie, et les jeunes générations s'indignent non pour protester mais pour vivre de façon pratique l'alternative qu'on leur refuse. Il va sans dire que l'écologie est au cœur de cette politique-là qui prend ses distances avec les partis pour n'être pas flouée. C'est dans l'ombre et partout que s'essaient des changements qui ne sont pas que de mots.


Jurgen Habermas, à 83 ans, établit, lui le philosophe des philosophes, un diagnostic que nous ne partageons qu'à moitié : en Europe, affirme-t-il en substance, il n'est plus de choix qu'entre le retour aux États retrouvant leurs monnaies et la construction politique véritable d'une Europe forte s'imposant aux États qui la composent. Le sage allemand a le mérite de faire comprendre que la page est tournée et que l'Europe éparpillée est sans avenir, peut-être même au bord de l'effondrement. Il a pourtant tort, nous semble-t-il, de nous laisser croire qu'une nouvelle initiative centralisée est à même de nous apporter le salut ! L'Europe des citoyens ne se fera pas sans citoyens maîtres de leur destin.

Cette Europe démocratique, dont nous sommes loin encore, ne peut s'enfermer dans des idéologies qui sont impuissantes à l'intérieur d'une mutation qui annonce une civilisation dont les privilégiés retardent l'avènement violemment tant il y aura d'intérêts bousculés. Dans les politiques actuelles de droite et de gauche très proches (d'où leur disparition, de fait) lesquelles voudraient nous faire passer de crise en crise comme un malade qui se soigne lentement en attendant de retrouver la santé, il n'est rien qui corresponde aux besoins planétaires.

Résistances et changements associe le refus des solutions factices et la quête d'une connaissance des chances dont dispose encore l'humanité. C'est un travail de pensée. Si nous n'y prenions notre part, si nous fonctionnions avec des outils et des concepts usés, nous n'irions pas dans la voie que la gauche, quand elle existait, avait ouverte jadis, et dont elle a perdu la trace.



Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran

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