lundi 16 janvier 2012

Ah ! Ah ! Ah !


Ne riez pas !

Passer de AAA à AA+ ne constitue pas un drame. Nous ne faisons que rejoindre les USA ! Mais ce qui passe, outre Atlantique, ne passe pas en Europe. Pourquoi ? Parce que ceux qui veulent en remontrer au monde entier ont été pris en flagrant délit d'irréalisme et de manque d'humilité. Bref, ceux qui ne jurent que par l'évaluation de toute chose et qui se prennent pour des élites sont pris au piège de leur propre discours. Eh bien, non, nous ne sommes pas "dégradés" ; c'est la politique de la France qui est mise en question !

Ces agences de notation, qui existent depuis fort longtemps et dont la majorité d'entre nous n'avait jamais entendu parler, ne sont devenues l'inévitable thermomètre de notre fièvre économique que parce que ceux qui nous dirigent l'ont voulu ainsi. C'était un moyen très efficace de faire accepter l'inacceptable ! Mais il n'est plus sûr que les citoyens vont supporter l'insupportable, alors les agences de notation autant que la majorité présidentielle actuelle s'inquiètent.

Et quelle température mesurent donc ces thermomètres financiers ? La hauteur des profits escomptés ! Quiconque ne peut plus s'enrichir est "dévalué". C'est dire le peu de cas qu'on fait de ceux qui vivent dans la pauvreté permanente !

Feu rouge !

Nous vivons dans un monde paradoxal. Le plus grand nombre des humains vit sous des régimes qui ne peuvent recevoir la consécration des agences de notation. Sur l'échelle d'appréciation (à 21 degrés !) des trois principales agences, leur pays est situé sur les premiers échelons. Habitués à de maigres considérations les peuples défavorisés ne s'en offusquent pas. À l'inverse, les puissants surveillent de près leur "cote" afin de ne pas perdre leur autorité politique et économique. Ainsi la France, aux dirigeants donneurs de leçons, se trouve-t-elle affaiblie tout en restant parmi les pays riches de la planète ! L'horreur serait que, cette fois, se trouve révélé que la France n'est plus une grande puissance !

"La mâchoire pour anesthésier toute forme de pensée est en place" écrivait le 14 janvier l'éditorialiste du journal Libération. Passons sur la qualité littéraire de la formule, mais convenons qu'en effet le décervelage, l'enfumage, le mensonge sont produits par une machine à nous faire considérer comme évident ce qui ne l'est nullement !

Ainsi veut-on nous faire admettre que gagner moins tout en travaillant plus est une nécessité absolue pour pouvoir conserver l'essentiel de nos acquis et pour garder quelque espoir de retrouver un mieux être. C'est plus que faux mais "ça peut marcher" si l'équation "revenus = emploi = croissance" demeure incontestée. On produit plus avec moins d'emploi, mais on ne le dit pas. La productivité du travail est supérieure en France à ce qu'elle est ailleurs, en Europe, mais l'on ne mesure que le nombre d'heures employées. Ce nombre d'heures d'activité salariée ne cesse de décroître depuis plus d'un siècle mais on ne le fait ni savoir ni comprendre. Etc... Bref nous voici entrés dans un autre monde, mais ce monde nos dirigeants ne le voient pas venir ou plutôt ne veulent pas le voir venir, car ils sont "formatés" pour fonctionner seulement dans le monde qui s'évanouit.

On parle trop de la crise sans comprendre que ce n'est pas de crise (de maladie ou d'accès de fièvre) qu'il s'agit mais d'une contradiction intime au système économique, nullement victime des oppositions politiques mais victime de lui-même. On connaît les causes de cet affaissement imparable : le refus des limites, la production pour la production, la saturation des pays pourvus, l'impossibilité de conquérir des marchés là où se développent des pays hier encore soumis à l'occident, le pillage des ressources naturelles, l'épuisement des possibilités d'exploitation, les effets lourds de l'activité humaine sur les équilibres planétaires, l'insuffisance de la prise en considération de l'évolution démographique, l'incapacité à instaurer un partage qui mette à mal les privilèges, bref nous sommes acteurs et spectateurs tout à la fois d'un changement d'ère accompagné d'incertitudes angoissantes.

Qu'est-ce, dans ces conditions, qu'une dégradation de la note de la France ? Cela n'a guère de sens ! D'abord parce que la France n'est pas seule à se trouver impliquée dans une perte de pouvoir économique à l'échelon mondial, ensuite parce que le peuple français n'a pas à être jugé lui-même alors que les erreurs reviennent à ceux qui les dirigent ! Confondre les causes et les effets n'est jamais efficace !


Saurons-nous aller au fond des analyses et rechercher ces causes sur lesquelles agir ? Ce devrait être ce à quoi les prochains débats électoraux pourraient servir. On imagine qu'il n'en sera rien. Ce qui est à dire "se vend mal" ! Ce qui donne à penser ne multiplie pas le nombre des électeurs. Nous voici déjà projetés au-delà de l'élection présidentielle. Il y aura, tôt ou tard, une nouvelle "dégradation" qui n'est que le constat d'une incapacité à pousser plus avant la logique capitaliste. Oublions ce mot infamant de dégradation !

Il nous faut nous faire à cette idée que la grandeur de la France n'a rien à voir avec le fait qu'elle serait une grande puissance ! Elle cesse d'être dominatrice et c'est une bonne nouvelle.


Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran




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