dimanche 21 août 2011

À quand le suffrage universel ?

La lutte pour un suffrage universel est une très vieille histoire1. L'origine du suffrage universel remonte, en France, à 1789. Le principe du suffrage universel figure dans l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Pourtant, le suffrage universel direct a mis du temps avant de s'installer définitivement.

En 1791, ne peuvent voter que les hommes âgés de plus de 25 ans, inscrits sur les listes de la garde nationale, payant un impôt équivalent à dix jours de travail.

Le vote censitaire2 (est électeur celui qui paie des impots ou qui est riche) a duré jusqu 'en 1848. Il faut attendre 1848 pour que l'instauration du suffrage universel soit définitive. Le suffrage censitaire est alors remplacé par le suffrage universel3 masculin. Nous sommes donc encore loin du suffrage universel, dès lors que les femmes n'auront pas le droit de voter4 avant... 1944!

Il a fallu, en effet, attendre près d'un siècle pour que la France accorde le droit de vote aux femmes, à la fin de Seconde Guerre mondiale, alors qu'elles pouvaient déjà voter dans de nombreux pays : en Allemagne dès 1919, en Turquie dès 1931. En Grande Bretagne, ce droit a été accordé en deux temps : en 1918, les femmes de plus de 30 ans ont pu voter. Il faut attendre 1928 pour que l'égalité homme/femme lors des élections y soit totale. Seuls des pays comme la Belgique (1948) et la Suisse (1971) ont fait moins bien que la France !

Et aujourd'hui ? Qui vote ? Tous ceux qui sont inscrits sur les listes électorales ! En droit, oui ; en fait non. Quant à ceux qui ne sont pas inscrits pourquoi ne le sont-ils pas ?

Il existe un considérable écart entre les citoyens en capacité formelle de voter, ceux qui sont inscrits sur les listes électorales, ceux qui participent au scrutin, et ceux qui voudraient voter mais ne le peuvent par défaut de nationalité française !

En d'autres termes, nombre de ceux qui ont leur mot à dire dans l'organisation de la vie collective, et devraient choisir une orientation politique (référendums) ou des représentants (lors d'élections locales, régionales, nationales et européennes), ne le font pas. Le suffrage universel dès lors, est affaibli.

La tentative d'inscription automatique sur les listes électorales, à 18 ans, n'a pas donné les résultats escomptés. La vérification des adresses, en mairie, a freiné l'exécution de la loi parce que les jeunes « bougent » à cet âge, ignorent souvent qu'ils sont devenus, de fait, des électeurs potentiels, et parce que les modes de scrutins, différents, parfois complexes, découragent ou intimident les nouveaux électeurs.

Restent les raisons politiques de cet éloignement du suffrage universel. Voter dès 16 ans, -projet qui serait positif, s'il est accompagné d'une formation civique poussée dans nos écoles- ne déclenchera pas des participations massives. L'intérêt pour les raisons du vote est bien davantage à promouvoir. On est loin, et on le sait dans l'opinion, de la participation citoyenne aux décisions si l'on s'en tient à la seule désignation de représentants qui se substituent totalement au peuple pour exercer le pouvoir. En France la monarchie républicaine, avec le système présidentiel, a remplacé la monarchie absolue, puis constitutionnelle, et l'on s'y est fait..., mais même si, on le verra en 2012, l'élection présidentielle déplace le plus grand nombre d'électeurs, beaucoup « passent à côté » !

La liste des citoyens qui échappent au suffrage universel est impressionnante. En avons-nous conscience ? Il y a, en particulier :

    • Les Français non incrits par désintérêt pour la vie publique

    • Les Français non incrits par ignorance et manque d'information motivante.

    • Les Français non incrits par refus politique de la représentation.

    • Les Français mal incrits qui déménagent et qui, non relancés, ne se réinscrivent pas.

    • Les Français peu inscrits ayant des règles d'inscription particulières (Gens du voyage)

    • Les abstentionnistes démotivés qui se sentent inutiles et votent rarement.

    • Les abstentionnistes volontaires qui rejettent occasionnellement le choix proposé !

    • Les abstentionnistes constants qui n'ont que mépris pour la politique.

    • Les abstentionnistes incorrigibles, inscrits par hasard, et qui ne votent jamais.

    • Les étrangers non communautaires, vivant en France.

    • Les étrangers communautaires (ne votant qu'aux élections municipales et européennes)

Ce qui est à méditer, c'est que toutes ces personnes qui sont mises ou se mettent à l'écart du suffrage universel sont hors champ politique, ce qui ne trouble pas les partis traditionnels lesquels ne comptent que des poucentages de votants. Il suffirait que la loi invalide toute élection dont le nombre d'électeurs votants est inférieur à la moitié des électeurs inscrits pour que tout change (y compris l'inscription ou la réinscription de nouveaux électeurs !). Si, en outre, les votes blancs (sans avis formulé) ou nuls (refus du vote proposé lui-même), en écartant, évidemment les votes injurieux, devaient entrer dans le calcul des résultats obtenus, sans doute, cete fois encore, y aurait-il un mouvement vers le suffrage universel.

Il y a bien eu, après d'énormes résistances, l'acceptation du vote féminin, pourquoi n'y aurait-il pas, dans des sociétés qui veulent améliorer leur démocratie, la recherche permanente de toutes les possibilités de tendre vers un suffrage vraiment universel, c'est-à-dire dont, sans nécessaire passage au vote obligatoire, le vote soit banalisé, habituel, fréquent, et faisant partie de l'expression rénovée de la volonté populaire sans laquelle il n'est pas de véritable intérêt général.

Reste, pour finir, et ce n'est pas le moindre des défauts actuels de notre système électoral démocratique, que la rétention et la complexification de l'information économique et politique rendent la participation citoyenne de plus en plus malaisée pour les plus modestes des Français ! Autrement le suffrage tend à devenir moins... universel, parce que la population pauvre se pense de moins en moins concernée. La République est en panne quand une partie de la population se condère impuissante ou inapte (ce qui ne trouble guère les élites du pays qui se satisfont sans peine de cette discriminatiuon entre les sachants et les ignorants). C'est pourtant la définition même de la démocratie qui est en cause : décider et décider tous, par le vote, est, dans son principe, ce que dans son histoire même la France a voulu après 1789. Ce choix ne peut que s'amplifier ou tarir. L'universalité du suffrage dès qu'elle se réduit ou même seulement stagne ne peut que se ruiner, peu à peu. Le pire serait que tout le monde vote de façon m écanique et lasse dans un contexte de conditionnement médiatique nouveau n'ayant rien à envier au système électoral soviétique.

Le suffrage vraiment universel, c'est-à-dire libre et concernant effectivement tous les habitants de l'unité géographique de vie concernée peut-être très largement amélioré. C'est une exigence forte des droits de l'homme à laquelle l'explosion des moyens de communications nous impose de veiller.

Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran

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