mercredi 4 mai 2011

Superman et barbarie

Le héros à combinaison bleue et cape rouge a provoqué la stupeur chez ses lecteurs, dans le 900e numéro de la bande dessiné, en annonçant aux responsables de la Maison Blanche qu'il souhaitait changer d'allégeance.

"C'est pourquoi je compte parler demain devant les Nations unies pour les informer que je renonce à la nationalité américaine", dit-il. "La vérité et la justice pour l'Amérique, ce n'est plus suffisant".

Sa décision -- déclenchée par la déception de Superman face aux réactions provoquées par son soutien aux manifestants démocrates en Iran -- a déclenché une polémique dépassant largement les pages de la bande dessinée.

"Superman renonce maintenant à sa citoyenneté américaine et sera simplement un citoyen du monde. C'est très socialiste de la part de Superman de vouloir un monde socialiste avec des gens comme Obama à sa tête", enrage le blog teaparty.org.

Devenu citoyen du monde, Superman horrifie les conservateurs

Nous ne sommes pas loin de comprendre Superman ! Les États-Unis sombrent dans la barbarie et le monde occidental tout entier avec eux.

Opposer la barbarie à la barbarie, c'est la justifier ! Face à Ben Laden, porte-parole d'une organisation terroriste, ceux qui s'y opposent ne peuvent accepter de lui ressembler...! Et qu'est-ce que la mort donnée à un ennemi désarmé, sinon de la barbarie ? Face à Khadafi, dictateur meurtrier, et coupable, depuis des décennies, de l'inspiration et du financement d'attentats atroces, ceux qui le combattent ne pouvaient mettre en péril la vie de ses petits enfants ! Ils l'ont fait.

Depuis 2001, Superman était confondu avec Rambo ! Il avait déjà sévi en Irak, par deux fois, et les forces US étaient devenues des gendarmes planétaires. Superman considère qu'il y a plus grand que les USA et que sauver les hommes est une mission plus belle que de les détruire. C'est, symboliquement, son message. Que les racistes du Tea-Party enragent, tant mieux...

Jeremy Rifkin, l’un des penseurs américains les plus stimulants, propose une relecture fascinante de l’histoire de l’humanité dans une perspective sociale et altruiste. Avec un constat : jamais le monde n’a paru si totalement unifié (par les communications, le commerce, la culture) et aussi sauvagement déchiré (par la guerre, la crise financière, le réchauffement de la planète, la diffusion de pandémies) qu’aujourd’hui.

L’humanité, soutient Rifkin, se trouve à l’aube d’une étape cruciale. Tout indique que les anciennes formes de conscience, religieuses ou rationalistes, soumises à trop forte pression, deviennent dépassées et même dangereuses dans leurs efforts pour piloter un monde qui leur échappe de plus en plus. L’émergence d’une conscience biosphérique, et ses conséquences sur notre manière d’appréhender différemment la société, l’économie ou l’environnement, sera probablement un changement d’avenir aussi gigantesque et profond que lorsque les philosophes des Lumières ont renversé la conscience fondée sur la foi par le canon de la raison.


http://www.lemonde.fr/week-end/article/2011/04/15/jeremy-rifkin-une-empathie-nouvelle-gagne-l-humanite_1507194_1477893.html

Il explique que l'humanité sort de l'ère amorcée par la révolution industrielle du XXe siècle, symbolisée par notre dépendance à l'énergie nucléaire et fossile, qui nous a menés à la crise écologique actuelle, et par la remise en cause de ses modèles de croissance comme d'une conception égoïste de l'individu. Il écrit :

"Fukushima sonne le glas d'une époque./.../ C'est ce rêve d'une humanité libérée par l'industrialisation massive, l'exploitation systématique des ressources terrestres, la manipulation de la matière, perpétué avec le nucléaire et ses travaux colossaux, ses spéculations d'ingénieurs et son pouvoir du secret, qui s'effondre. Cette catastrophe marque la fin du règne des énergies dont l'accaparement a nourri les grands affrontements géopolitiques du siècle dernier, autour de l'accès aux gisements de charbon, pétrole, gaz naturel, uranium.

Des guerres coloniales et néo-coloniales ont été livrées, des gouvernements destitués, des dictatures soutenues ouvertement ou en coulisses, des pays pillés, de nombreuses vies sacrifiées parce que les pays riches rivalisaient pour sécuriser leur approvisionnement énergétique. Ils ont accru considérablement leur niveau de vie, urbanisé la planète et fondé des industries puissantes qui ont fini par bouleverser les manières de vivre de tous.

Mais si, aujourd'hui, les pays du Sud accèdent à une vie meilleure, nous mesurons les effets contre-productifs de la révolution industrielle du XXe siècle. L'accident nucléaire de Fukushima en est le dernier symbole dramatique.

La troisième grande révolution industrielle et énergétique de l'humanité a déjà commencé, elle se fonde sur le sentiment collectif que nous ne pouvons plus continuer comme avant, s'appuie sur un nouveau sens de la responsabilité écologique, faisant appel à des sources d'énergie renouvelables, et se développe de façon décentralisée : c'est ce que j'appelle la "politique de la biosphère"

André Gorz, déjà, annonçait que nous aurions le choix entre la fin du capitalisme ou la barbarie. Cette barbarie non seulement nous menace mais s'est déjà, mainte fois, imposée. Elle signe l'échec d'un monde inconscient de son avenir et qui préfère la fin des temps à l'arrêt d'un système économique générateur de violences, lentes ou vives, mais permanentes et atrocement destructrices.

Une guerre culturelle, sans armes mais sans pitié, est dès lors engagée. Le choix qui nous attend se situe entre la domination et le partage, sans compromis. Le terrorisme est l'enfermement dans le désespoir et la violence. Ceux qui ne voient aucune alternative devant eux, comme Ben Laden, ont limité leur projet à la guerre absolue faite, aveuglément, aux nantis. D'autres ne voient aucune alternative devant eux : ce sont les chefs d'États inféodés au capitalisme, qui ont réduit leur ambition au maintien, par la force, de leurs pouvoirs. L'échec des uns et des autres est avéré. Ceux qui pensent que tuer les terroristes tue le terrorisme commettent une erreur tragique. Ils ajoutent le terrorisme au terrorisme.


"Il faut éviter toute légitimation de la violence. Elle est à la fois nécessaire et injustifiable" A. Camus.

Si Barack Obama devait croire que la victoire est à ce prix, il serait -ce qui n'est probablement le cas- fort naïf, mais que peut-il faire s'il est condamné à subir les influences des organes de pouvoir qui l'entourent ?

Pour notre part, nous refusons cette chute dans la barbarie, la violence, le pouvoir brutal, la soumission des faibles aux riches. Explorons la piste qu'ouvre Rifkin. "La politique de la biosphère" autant que "la politique de civilisation" d'Edgar Morin doivent nous mobiliser. Cette fois, nous ne pouvons nous permettre, comme ce fut le cas en France, en 2007, de perdre à nouveau le combat des idées.



Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran

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