vendredi 5 novembre 2010

Faire un pas de côté


Curieuse marelle, dont pour gagner, il faut sortir !

Qui ne connait ce jeu consistant à réunir, d'un seul trait, sans lever la plume, en une seule ligne brisée, de 4 segments au plus, les neuf points marquant les angles, les milieux des côtés et le centre d'une figure carrée ?

Les débutants s'y perdent ou plutôt s'y enferment, jusqu'à ce qu'il leur apparaisse que ce n'est possible qu'à condition de "sortir de l'épure".

Cette représentation du dépassement de l'impossible est symbolique.

Quand on ne pense qu'à l'intérieur d'un système on ne risque pas d'en sortir.

Pour échapper au conditionnement social, à la pesée de la doxa, il faut oser faire un pas de côté.

On ne saurait, sinon, changer de point de vue ! Ne pas échapper au formel, c'est s'obliger à réfléchir dans un espace limité, aux frontières infranchissables.

Rien n'est plus urgent que de chercher de nouvelles voies de passage hors des sentiers battus.

Nous sommes tous installés à l'intérieur de la figure close et parfaite : le carré. Pour parcourir, d'un seul regard, tous les repères par où faire passer la ligne de sa pensée, il faut, impérativement, se donner un repère supplémentaire, fictif et invisible, mais indispensable.

Ainsi en est-il, actuellement, de la conjoncture politique qu'on croit incontournable tant qu'on se refuse à faire le pas de côté, celui qui écarte de la marelle toute tracée, où se répètent, à l'infini, nos activités et nos discours.

Nous vivons dans un bain d'idées et de pratiques que nous croyons irremplaçables parce que nous n'en connaissons pas d'autres. Sans voiture particulière, sans publicité liée au marché, sans travail salarié, sans consommation croissante, sans téléphone portable, sans communication via internet, sans surveillance électronique, sans marques et modes, sans restauration rapide, sans alimentation carnée et variée toute l'année, sans festivités traditionnelles, sans vacances touristiques, sans compétitions sportives professionnelles, sans spectacles offerts par le showbiz, sans voyeurisme encouragé par des vedettes, bref sans un emploi de son temps rythmé par les officines qui nous conditionnent, nous ne savons que faire.

Les premières démocraties ne fonctionnaient, sur l'agora, que par ceux que les activités laborieuses n'empêchaient pas de penser la cité. Autrement dit, seuls des esprits libres pouvaient s'occuper de la vie politique. Qu'en est-il, à présent ?


Les élites survolent un monde qui échappe à leur immense savoir

Que vienne la mise en hypothèse de la représentation tirée au sort, portant sur des mandats uniques, limités dans le temps et l'espace, et l'on crie au déni de démocratie ! Ce serait pourtant un bon pas de côté à faire que celui qui consiste à ne jamais laisser l'activité politique se professionnaliser, se concentrer en les mains de spécialistes, d'élites fabriquées.

Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran

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