lundi 24 août 2009

Idée de décroissance ou décroissance des idées?

La rentrée politique 2009 s'effectue sous nos yeux, dans notre France à la peine. Les médias bruissent de faux scoops tendant, tous, à laisser entendre que le grand rassemblement anti Sarkozy, des Verts au MODEM, est en train de s'opérer. Bien sûr, on laisse grogner quelques récalcitrants, mais la cause est entendue : "Vous voulez avoir une majorité, oui ou merde" (sic), s'écrie Daniel Cohn-Bendit, à Nîmes, devant les Verts, pendant leurs journées d'été ?

L'ennui est que l'antisarkozisme ne constitue pas une politique. La droite du PS, par la voix de Manuel Valls, l'avait déjà affirmé parce qu'elle était prête à se rallier à la majorité, pour peu qu'elle y trouve des places. Olivier Besancenot, à son tour, -divine surprise pour lui!- le rappelle vivement, en espérant pouvoir, de nouveau, installer le NPA comme axe d'une opposition anticapitaliste.


Le choix de société passe par l'argent...!

Les écologistes héritent d'une grave responsabilité! Qu'est-ce qui constitue leur politique? Faire progresser l'écologie dans ce rassemblement fourre-tout qui n'unirait que des opposants, ou affirmer non pas seulement l'autonomie de leurs organisations mais l'autonomie de leur politique? Il leur faudrait, pour cela, un courage qu'il est difficile d'avoir dans un un environnement qui reste marqué par l'électoralisme. C'est d'autant plus difficile que l'avenir économique reste obscur (avec une relance aggravant le chômage!) et que nulle recherche d'une alternative politique véritable n'est engagée.

Précisons. L'antisarkozisme est-il, ou non, un anticapitalisme? L'anticapitalisme du NPA est-il, ou pas, antiproductiviste et antidirigiste? Aux deux questions il faut bien répondre non! La gauche, ou ce qu'il en reste, reste enfermée dans la contradiction qui la scinde : d'un côté les tenants d'une "culture de gouvernement" qui autorise à pactiser avec l'économie de marché; de l'autre les partisans des luttes sociales décisives, censées, un jour, à défaut de Grand Soir, refaire chanter les matins... Bref, d'un côté, la gauche dite molle, qui se refuse à redevenir anticapitaliste, et, de l'autre, une gauche dite extrême, dont l'anticapitalisme, verbal et formel, constitue une "culture de l'opposition permanente".

Il semble qu'il n'y ait de radicalité anticapitaliste et pratique, aujourd'hui, que dans l'écologie politique de la décroissance. Une partie des Verts l'a compris. Mais les "décroissants", parfois bavards et agressifs, qui sont porteurs d'espoir, pourtant déçoivent! Ils s'enferment, à leur tour, dans la dénonciation des impurs et peu de partenaires trouvent grâce à leurs yeux! Il nous faudra bien admettre que la décroissance est chose trop importante pour la confier aux seuls décroissants!


Sans "les sans", la politique manque de sens...

Europe-Écologie a lancé une lumière qui pourrait vite s'éteindre. Tant qu'il ne s'est agit que de s'exprimer soi-même (ce que permet le scrutin proportionnel à un tour, pour les élections européennes!), l'autonomie politique était facile à démontrer. Mais, dès qu'un scrutin à deux tours s'annonce, les obligatoires alliances obligent à des compromis susceptibles de faire glisser de la forme au fond et d'abandonner ce pour quoi l'on existe, autonomie y compris!

Daniel Cohn-Bendit n'a certes pas tort de dire que les électeurs ne sont la propriété d'aucune formation politique et donc que les électeurs du MODEM ne sont pas maudits. Mais il a beau aller répétant qu'il n'a plus d'ambition personnelle, qu'il n'est l'homme d'aucun parti, qu'il n'est pas question de faire des accords au sommet, ce qui transparait, derrière ses discours, c'est l'acceptation du cadre économique où nous vivons, parce que nulle expérience historique heureuse n'a encore jamais permis d'espérer un dépassement du capitalisme.

C'est pourtant de cela qu'il va s'agir! Les uns -dans "la gauche" parlementaire- ne l'envisagent même pas; les autres -dans la gauche antilibérale classique- le désirent , mais sans proposer comment interdire le retour d'un totalitarisme à tout le moins d'un autoritarisme; les troisièmes, enfin, -parmi les écologistes- s'ils l'ont envisagé, le croient impossible avant longtemps, alors qu'il faut agir tout de suite.

Le vrai débat, le grand clivage est donc là. Pas dans la recherche, à court terme, des moyens de remporter les élections régionales puis l'élection présidentielle! Au-delà des moyens, il y a les fins et, sans l'affirmation des fins, tout succès ne peut être qu'incertain, précaire ou improbable. Comme toujours, c'est en visant au delà de l'immédiat qu'on obtient de bons résultats immédiats. Si Europe-Écologie a émergé, c'est parce que ce rassemblement offrait du neuf. Tout recul vers les tractations traditionnelles reconduirait les écologistes vers des satisfactions médiocres, faites pour reconduire des élus, pas pour changer la donne politique!

C'est souvent l'évènement qui commande. La crise, ou soit disant telle, a fait bouger les lignes. Toute la politique des droites (fausse gauche incluse) consiste, à présent, à revenir à la situation antérieure, celle où il n'est question que d'alternance, jamais d'alternative. D'ici 2010, faudra-t-il que les souffrances des hommes, liées à la dégradation économique, s'étendent et se creusent, pour interdire de continuer à se contenter de ces "petites manœuvres politiciennes"? La mutation de civilisation que les écologistes prétendent avoir annoncée, depuis les années 1970, avec Ivan Illich et René Dumont, mais aussi ces dernières années, après André Gorz, ne permet pas de se livrer au jeu de ces petites phrases qui font les délices des journalistes.


Ivan Illich (1926-2002)

Le capitalisme est-il, oui ou non, déjà dépassé et, si oui, que faisons nous pour changer de navire dès lors que celui sur lequel nous sommes embarqués a bel et bien commencé de couler?

Jean-Pierre Dacheux


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