samedi 23 mai 2009

Vous avez dit prescription!

Ils ont été irradiés pour avoir été placés à proximité des lieux où avaient été effectué, à l'air libre, les essais d'armes atomiques, au Sahara ou en Polynésie. Anciens militaires, ils réclament la reconnaissance du pays et une indemnisation pour les survivants (bien peu nombreux!). La Justice a décidé , le 22 mai 2009, qu'il y avait prescription pour des faits vieux de plus de trente ans.

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Image d'un vétéran défiguré, parue dans France-Soir, le 24 mars 2009.

Une épouse, âgée de 70 ans, fait valoir, avec bon sens, que s'il y a prescription c'est seulement parce que l'Armée française a sciemment fait trainer les choses et que la Grande Muette n'a jamais voulu, jusqu'ici, reconnaître le lien entre les essais et les décès ou maladies graves survenus dans les rangs des soldats, (mis en danger par ces essais mais dont on continue de dire qu'ils n'étaient pas dangereux pour les populations avoisinantes)!

Car qui dédommagera les Touregs ou les Polynésiens qui se meurent, ou ont déjà quitté ce monde, à la suite d'opérations dites "nécessaires à la défense nationale", et voulues par l'État français sans considération pour ceux qui avaient eu le malheur de naître et de vivre dans ce ce désert ou ces îles pour longtemps contaminés?


Non, le désert n'était pas sans habitants...

À présent qu'il n'est plus possible de nier les effets désastreux de ces essais (y compris du reste les essais souterrains), la France pourrait assumer sa politique et prendre en charge les conséquences de ses expériences sur la vie de citoyens qui ont longtemps ignoré ce qu'ils risquaient. Mais non, la patrie est ladre. L'armée ne peut avoir tort. La Justice, qui ne peut dépasser son rôle, constate que la loi fait prescription. N'en parlons plus.

Eh bien si, parlons en. C'est l'honneur de tous les citoyens français qui est en cause. La Justice n'a pas été juste parce que nos lois ne le sont pas. On parle du vote d'une loi d'indemnisation. Ce serait mieux que rien. Mais attention au mépris : en indemnisant une poignée de "vétérans" déjà atteints gravement, au bord du tombeau, sans tenir compte de tous ceux qui ont été aussi mis en danger et apparemment moins ou pas touchés (1), on persisterait dans le déni.

Se cache, sous cette minoration des risques, une autre volonté politique : celle de ne pas affoler les populations civiles confrontées aux risques de contamination nucléaire à proximité des installations nucléaires civiles. C'est bien pourquoi, ce scandale du refus de la reconnaissance de la nation devant les causes des cancers et leucémies dus à l'atome, militaire ou civil, ne sera jamais couvert par aucune prescription. Il faudra aller jusqu'au bout de la vérité et faire justice à... l'histoire!



(1) "Hervé Morin, indiquait que 150.000 personnes étaient « théoriquement » concernées. Voilà quelques mois, d’autres sources avançaient le chiffre de 100.000. Pour tragique qu’elle soit, la réalité est d’une ampleur bien moindre. Selon un pointage précis effectué par l’état-major et le ministère, auquel France-Soir a eu accès, ce sont 74.000 personnels qui ont pris part aux expérimentations atomiques de 1960 à 1996 (lire notre encadré) : 17.000 militaires au Sahara et 41.000 en Polynésie, auxquels il faut ajouter 16.000 membres du Commissariat à l’énergie atomique (CEA). Or, depuis 1995, 334 demandes de réévaluation de pensions militaires ont été déposées pour cause de surirradiation. Et seulement 132 de ces dossiers font aujourd’hui l’objet d’un contentieux".

Sources: France-Soir Essais nucléaires - Morin promet enfin des indemnisations, par Philippe Cohen-Grillet, le mardi 24 mars 2009.

Voir aussi : http://seaus.free.fr/spip.php?article271

Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran

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