lundi 2 mars 2009

À votre santé!


L'excès tue... plus vite que ne se consomme et consume la vie!

La belle affaire, on le savait déjà ! La société de consommation est une économie du toujours plus, donc de l'excès. On ne veut l'avouer mais, oui, « le toujours plus détruit l'humanité ». Dans la conclusion de l'étude de l'Institut national du cancer (l'INCA), parue le 16 février 2009, on lit : « Il est conseillé de satisfaire les besoins nutritionnels par une alimentation équilibrée et diversifiée ». Quelle découverte ! N'est-il pas hypocrite de conseiller l'évidence et de mettre sur le plan moral ce qui relève de la santé publique ? Comme si, une fois de plus, chaque individu devait tout assumer et être rendu coupable de ce qu'il subit ! Pourquoi n'affirme-t-on pas, aussi, que pour se bien porter il faut bien vivre, donc échapper à la surproduction (comme au sur-travail du reste). Dans les années 1970, on parlait déjà de la vie simple (1).

Mais voilà, il n'y a plus d'évidence quand il y a addictions..., et profit ! Il est, cette fois, question du vin ! Après le tabac, l'alcool ? Va-t-on s'en prendre, à présent, « aux traditions et à la culture nationale » diront les vignerons ? Osons toutes les questions. Le whisky tue-t-il plus que l'héroïne ? Le cannabis est-il moins nocif que l'apéro ? Mais encore, l'automobile n'est-elle pas aussi une drogue puisqu'on ne peut s'en passer ? Etc.


Feuille de cannabis

Il est vrai qu'à ne pas regarder la réalité en face, on abrège non seulement la durée de nos vies mais, pire, leur qualité ! Une objection toutefois : abréger sa vie pour mieux vivre se pourrait concevoir et admettre. La réussite d'un vie n'est pas fonction de sa longueur. La liberté humaine va jusqu'au choix entre une satisfaction avec risques et la tranquillité plate..., mais la question posée, à l'occasion du débat qui s'ouvre, n'est pas celle de la liberté de disposer de soi-même; elle est de ne pas subir des conditionnements où toute liberté est abolie.

Passe de boire trois verres de vin à la suite, un jour de fête et de rencontre, mais boire plus qu'on ne veut parce qu'on n'a pas la possibilité de refuser ce que la publicité, le voisin ou le barman incitent à consommer, et bien ce n'est pas une liberté... L'éthique déborde la morale ! Il ne s'agit pas d'obéir à des codes, à des prescriptions ou aux contraintes des mœurs en cours ! Il s'agit de rester maître de sa vie, de devenir un « honnête homme », mais au sens que donnait Montaigne à cette locution !


Michel de Montaigne

Il faut bien convenir que tout se tient et que « la crise » (en fait la mutation de société) va révéler que nous vivions dans le culte d'un progrès qui n'en était pas un. Fumer sans pouvoir s'arrêter, boire bien plus en alcoolique qu'en ivrogne, aller plus vite, quels que soient les dangers qu'on court et fait courir, conduit à « se défoncer » dans les deux sens du terme : jouir au maximum et se détruire totalement. Le vrai plaisir est ailleurs. Il ne saurait être dans la dépendance ! S'en tenir à quelques plaisirs dont on veut profiter sans limites, c'est se tromper de bonheur, et cela se paie cher, très cher ( à la fois parce que ça ruine le portefeuille et parce que ça ruine la santé) !

Gardons bien, cependant, en vue que la moralisation fait glisser vers l'autoritarisme, voire la fascisation. Tout pouvoir personnel sur autrui induit la conformation des comportements. La responsabilité est ailleurs que dans la culpabilisation des citoyens ! Sans lucidité et sans pouvoir sur sa propre vie, il n'est pas de responsabilité véritable.

Il n'y a là aucun constat moral, il y a surtout un constat social : les addictions sont déclenchées, nourries, entretenues par des organisations économiques pour qui la détérioration de la santé humaine n'a aucune importance. Ce n'est certes pas en montrant du doigt les citoyens indociles aux consignes -changeantes- des sociétés dominées par l'argent-roi qu'on va mieux vivre. Ce n'est pas non plus en accumulant les interdits réglementaires qu'on mettra fin aux pratiques nocives. Inscrire sur les paquets de cigarettes: « le tabac tue » est doublement stupide : c'est inefficace et cela revient à rendre acceptable et banal le droit à vendre la mort. L'essentiel est dans la prise de conscience : ne soyons pas les marionnettes que manipulent les profiteurs.

Tant que les entreprises, les exploitations et les commerces ne pourront vivre que du mensonge, nous vivrons dans ce que le vieux Marx appelait l'aliénation. Vouloir y échapper n'est pas impossible; c'est même un objectif de civilisation. À votre santé !

Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran

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