lundi 8 septembre 2008

EDVIGE, Taser et caméras ou le flicage social



Notre société ne trouverait-elle plus d'autres parades à l'insécurité que la mise sous surveillance généralisée des citoyens et la menace permanente de la police? Si c'était le cas, qui ne voit qu'elle se condamnerait elle-même et rendrait ainsi manifeste son échec!

En ce début de mois de septembre, on admet, enfin, qu'est liberticide, le décret ayant créé EDVIGE (1) qui, depuis le 1er juillet, permet à la DCRI (2) de recueillir toutes les informations possibles sur le comportement des Français, (et ce depuis qu'ils ont l'âge de 13 ans et sont devenus, a priori, potentiellement dangereux! ). Même le Ministre de la Défense, surpris, s'en inquiète. La Ministre de l'Intérieur, elle, ridiculise l'étonnement de son collègue, nécessairement informé. Les pétitions hostiles au flicage s'enrichissent, au jour le jour, de milliers de signatures. Le décret n'est évidemment pas abrogé. On attend l'avis du Conseil d'État. Pendant ce temps, rien ne changera : la saisine du Conseil n'est pas suspensive!

Avec méthode et constance, on dote les polices de nouveaux moyens d'action, y compris, depuis aujourd'hui, les polices municipales. Parmi ces dernières, celles qui en feront la demande, sous la responsabilité de leur maire, après formation spécifique, pourront disposer d'un révolver électrique, crachant 50 000 volts et projetant celui ou celle qui est touché(e) à sept mètres du point d'impact. Ce joujou, ou Taser, déjà largement utilisé en Amérique du Nord, a déjà tué, notamment des cardiaques, des drogués et des asthmatiques et autres personnes en grande fragilité. Qu'on se rassure, le Taser européen est moins puissant que le Taser d'outre Atlantique... Dit-on.


Les Anglais ont été les pionniers de la surveillance vidéo. À côté de repérages efficaces de criminels, dont on a fait des gorges chaudes, on a pu constater que la délinquance ne régressait pas outre-Manche et, bien entendu, que les malfrats s'adaptaient à la présence de ces caméras à peine cachées. Big Brother ne peut mater le crime tout simplement parce qu'il est impuissant pour peser sur la cause du crime! Tout au plus peut-il, parfois, mettre en images le crime lui-même. La prévention est réelle mais faible. Les dégâts, en terme de solidarité citoyenne, sont, par contre, immenses. À force de s'en remettre à la technique et à l'État (alors qu'on clame, par ailleurs, nécessaire le moins d'État économique!), on finit par limiter la puissance publique à la mise sous contrôle de la population! Viennent ensuite les discours sur la responsabilité..., aussi ronflants qu'inutiles.

La "démocratie" du conditionnement est en marche. C'est une mise en lois et règlements, toujours plus nombreux, toujours renforcés, toujours plus coercitifs, destinée à "faire se tenir tranquilles" tous les citoyens, quelle que soit la forme de leur rébellion. C'est, bien entendu, une entreprise de régression démocratique qui n'apporte même pas ce qu'elle prétend être seule à pouvoir obtenir : l'ordre et le calme en la cité.

Quand un pays confie son sort à des personnages qui confondent leur pouvoir propre et celui de la nation, on constate alors que les gouvernants en demandent toujours plus! Cette confusion, dramatique, entre l'élargissement du pouvoir et l'augmentation des moyens de l'exercer par la force, conduit, inéluctablement à des conflits qui peuvent être d'autant plus violents que les possibilités de répression se sont multipliées. L'arsenal de textes et d'outils de contrainte ne peut suffire. Toute forteresse est un jour prise. Qui oublie cet enseignement de l'histoire met son peuple en danger. La révolte peut mettre du temps à couver mais elle surgira. Pendant ce temps, non seulement on vit mal, mais on ne cherche pas les bonnes réponses aux questions que pose l'insécurité inhérente à tout processus d'évolution sociale...

Qu'il faille ressasser ces évidences après des siècles d'expérimentation sociale a quelque chose de désespérant, d'incompréhensible et de stupéfiant. Pourtant le fait est là : la technologie a été mise au service de la peur. Sans une réaction citoyenne, la France va entrer dans l'une des périodes sombres de son histoire.

(1) Edvige est l'acronyme de : "exploitation documentaire et valorisation de l'information générale».
(2) Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) : "le FBI à la française", un service de renseignements du ministère de l'Intérieur français, né de la fusion de la Direction de la surveillance du territoire (DST) et de la Direction centrale des Renseignements généraux, opérationnel depuis le 1er juillet 2008.

Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran

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